LAÏCITÉ : demande de création d’un délit d’entrave à l’enseignement

Le Sénat a lancé le débat sur cette importante question en déposant une proposition de loi. Depuis 1989, le SNCL est fortement engagé pour la défense de la laïcité. Nous sommes favorables à l’inscription dans la loi d’un tel délit.

« Le fait de tenter d’entraver ou d’entraver par des pressions, menaces, insultes ou intimidations, l’exercice de la liberté d’enseigner selon les objectifs pédagogiques de l’Éducation nationale déterminés par le conseil supérieur des programmes, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » Telle est la formulation retenue par le groupe de sénateurs qui a déposé la proposition de loi pour création d’un délit d’entrave à l’enseignement.

Depuis sa création, et son adhésion à la Fédération Autonome de l’Education Nationale (FAEN), le SNCL a toujours été un fervent défenseur de la laïcité. Réaffirmée en novembre 2019, la motion d'orientation générale du SNCL sonnait déjà l'alarme : "On enregistre toujours autant de phénomènes de harcèlement, de négligence voire d'incompétence de la part des hiérarchies en ce qui concerne la définition des missions (...) mais aussi de la part des services rectoraux en ce qui concerne l'application des textes. (...) Le principe de laïcité n’est pas toujours respecté. Les manifestations de refus de respect des valeurs de la République ne cessent d’augmenter ".

Mais la laïcité est au cœur de nos revendications depuis bien plus longtemps. Partie prenante du groupe commun de réflexion pour la défense de la laïcité dès 2004, notre syndicat avait accompagné et encouragé le travail ayant débouché sur la loi qui avait su mettre un terme à la multiplication des affaires liées au port du voile à l’école. L’acte politique fort traduit dans la loi avait fait passer le nombre annuel de signalements à l’époque de plus de mille à moins de cent démontrant ainsi qu’une réglementation claire et ferme peut apporter une réponse efficace et durable.

Avaient suivi le débat sur le port du turban sikh en 2007, les pétitions pour l'école publique en 2010, la dénonciation du projet de loi de Jean-François Copé en 2011, le positionnement de notre fédération après les attentats contre Charlie Hebdo en 2015. Ce dernier événement a donné lieu à l’établissement d’une partie spécifique de notre motion d’orientation générale fédérale, qui résonne fortement après l’assassinat de Samuel Paty.

 

Laïcité : la FAEN ne transige pas  (extrait de la motion d’orientation générale – 2016)

La France, victime d’intégristes religieux en 2015, connait actuellement une fragilisation de ses valeurs. La détresse sociale et matérielle d’une partie de la jeunesse, le recul de l’intelligence patiente, au profit de l’image choc et du raccourci de pensée véhiculés par les réseaux sociaux en expansion, constituent des aliments puissants de ce genre de menaces. Dans leur précipitation, les gouvernants déstabilisés transigent, par maladresse ou opportunisme, avec des valeurs qui pour exister et perdurer ont au contraire besoin d’un maintien fort et permanent relayé par les institutions.

Il en va ainsi de la laïcité, principe constitutionnel auquel la FAEN rappelle son attachement sous ses trois aspects :

•             Séparation des religions et de l'Etat afin de préserver la neutralité des services publics et le respect des convictions de chacun, conditions nécessaires à la cohésion sociale et à la paix civile.

•             Attribution des fonds publics au seul service public laïque d'éducation qui a seul l'obligation de scolariser tous les jeunes jusqu'à 16 ans sans discrimination, et de leur inculquer les valeurs de la République.

•             Transmission neutre des valeurs républicaines : non partisanes, non soumises à des stratégies religieuses, politiques et contextuelles.

L’Ecole de la République est soumise à des enjeux nouveaux et l’Etat doit reconnaitre que les agents de l’Education nationale ne peuvent être éternellement appelés à endosser des rôles et des missions supplémentaires, pour lesquels ils ne sont ni formés, ni rémunérés.

 

Au regard de cela, le SNCL a donc d’abord accueilli favorablement la proposition de loi : la création de délit d’entrave à l’enseignement permettant de tracer plus clairement la voie juridique à prendre pour condamner les faits commis. Mais, aux yeux du SNCL, cette création doit aussi s’accompagner de la mise en place d’une chaine solide de la prise en charge :  dans les services juridiques de chaque inspection académique et de chaque rectorat, il est nécessaire de désigner un juriste comme interlocuteur dédié pour la défense des valeurs républicaines et la protection des fonctionnaires. Ce juriste dédié sera spécialement formé pour l'accomplissement de sa mission et facilement joignable par l’ensemble des enseignants en cas de remise en cause des valeurs de la République ou des tentatives d'intimidation et des menaces. Il pourrait prendre alors immédiatement et directement les mesures nécessaires et porter plainte au nom de l'institution. C’est ensuite, dans chaque département, un substitut du procureur de la République désigné comme "référent violence, entrave à l'enseignement et protection des fonctionnaires" qui pourrait donner les suites judiciaires et de protection des fonctionnaires appropriées.

La création de ce délit, accompagnée de cette chaine juridique, obligera nos gouvernants à prendre leurs responsabilités au-delà des belles paroles.

 

Proposition de loi : une formulation piège ?

Bien que favorable au projet, le SNCL reste méfiant sur la formulation proposée, et notamment sur la modification du code pénal qu’elle va induire. Si la création du délit en lui-même est un point positif, la précision « selon les objectifs pédagogiques de l’Education nationale » semble laisser une porte de sortie aux délinquants comme au ministère lui-même qui pourrait se défausser de sa responsabilité à partir du moment où l’enseignement contesté et prodigué par le collègue ne sera pas en totale cohérence avec les programmes. Un élément subjectif qui pourrait aussi détourner cette loi de son premier but louable.

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