Le Bac a-t-il encore un sens ?

Dans le contexte actuel où la sélection pour les études supérieures se fait essentiellement sur dossier par l’intermédiaire de la plateforme Parcoursup, il est légitime de se demander si l’examen du baccalauréat a encore un sens.

Nous serions tentés de répondre que le bac sert encore de porte d’entrée vers le supérieur… mais pour combien de temps ?

En effet, dans le nouveau système de notation du bac qui a évolué avec la réforme, désormais 40 % de la note finale repose sur le contrôle continu et seulement 60 % porte sur les épreuves de spécialité, le français, la philosophie et le grand oral.

Il est évident que le contrôle continu retire une partie de la dimension nationale de l’examen, et crée un bac de plus en plus local, un bac « établissement » !  Les notations sont très différentes d’un lycée à un autre et les différentes tentatives d’harmonisation ont été balayées en raison de leur infaisabilité.

On a donc laissé l’enseignant seul face à une responsabilité démesurée : celle de remplacer les notes obtenues aux épreuves terminales du mois de juin.

Les pressions se sont accrues tant de la part des parents que de celle des élèves puisque le professeur est devenu correcteur-évaluateur ! C’est lui qui valide un niveau cible auparavant évalué lors d’épreuves anonymes. La perte de cet anonymat pose problème. Les plaintes et réclamations en tous genres se multiplient : l’élève, la famille ou la hiérarchie contestent de plus en plus fréquemment la correction, le barème appliqué, les choix faits par tel ou tel enseignant dans son processus d’évaluation.

On demande aux professeurs de se justifier sans cesse créant du stress et des tensions au sein des classes et des établissements scolaires. Autre effet pervers : ce contrôle continu génère une forme de stress chez les élèves, ceux-ci ont l’impression que tous les examens en classe sont une partie du bac.

Le SNCL rappelle son opposition ferme au contrôle continu du bac et exige le retour à des épreuves anonymes et terminales, seules garantes d’égalité et de fiabilité.

En effet, face aux pressions exercées et sans soutien de leur hiérarchie, de nombreux collègues ont tendance à « acheter une certaine paix sociale » au sein de leurs classes en surnotant ou en notant de façon complaisante pour ne pas déplaire à l’Institution ni aux parents d’élèves. Les moyennes de classe s’envolent et atteignent des sommets : il n’est plus rare de voir des moyennes générales atteindre 16/20 ou même 18/20.

Évidemment cela ne veut plus rien dire et brouille totalement les pistes au moment des études de dossiers par Parcoursup : comment faire une sélection lorsque tous les candidats ont la même moyenne étonnamment élevée ?  

Effet pervers qui pourra avoir de lourdes conséquences dans les années à venir si rien n’est fait pour rétablir l’ordre des choses : comment faire une sélection fiable lorsque le bac n’aura plus de sens ? On voit se profiler les examens d’entrée à l’université ou dans les IUT car les examens de dossiers ne mèneront plus à rien.

Le système est malade ou plutôt a été rendu malade par une succession de réformes mal anticipées et dont les adaptations successives ont abouti à une suppression pure et simple de tout contrôle en cours de formation !

Et que dire du grand oral, figure de proue de la réforme ? Affecté d’un coefficient 10, il souffre de consignes toujours aussi floues ! Doit-on évaluer les connaissances ou non ? On lit tout et son contraire.

Les enseignants sont encore une fois livrés à eux-mêmes. Aucune grille d’évaluation précise : la porte est donc à nouveau ouverte à tous les abus ou à toutes les négligences et approximations. Quelle fiabilité cette prestation orale peut-elle avoir ? Certains vont valoriser l’éloquence au détriment des connaissances ; d’autres vont privilégier le fond à la forme …

Rappelons que la dernière partie du grand oral porte sur le projet d’orientation et soulève pas mal de problèmes. Le candidat doit « expliquer en quoi la question traitée éclaire son projet de poursuite d’études, voire son projet professionnel. Il expose les différentes étapes de la maturation de son projet (rencontres, engagements, stages, mobilité internationale, intérêt pour les enseignements communs, choix de ses spécialités, etc.) et la manière dont il souhaite le mener après le baccalauréat. »

Cette partie de l’entretien s’avère difficile à évaluer car subjective : quel projet vaut mieux qu’un autre ? Sur quelle base juger un entretien d’orientation ? Que vient faire ce genre de prestation dans une évaluation de type baccalauréat ?

Le SNCL dénonce cette démagogie qui consiste à faire porter l’évaluation sur des discours d’éloquence qui sont souvent d’une vacuité absolue mais dont la finalité ultime est de mettre de bonnes notes !

Dernière nouveauté et pas des moindres : l’attestation de langues vivantes. Initialement prévue pour une mise en place lors de la session 2021 du baccalauréat général et technologique, c’est à compter de la session 2023 que chaque candidat à l’examen recevra une attestation de langues vivantes validant son niveau CECRL en LVA et en LVB dans chacune des compétences langagières.

Encore une charge de travail supplémentaire mais pour quelle finalité ?

L’arrêté du 3 novembre 2020 a créé des attestations pour les langues vivantes A et B, en Terminale générale et technologique. Compliqué à mettre en place sans désorganiser l’année scolaire, ces attestations ont finalement été abandonnées à l’image du reste ... C’est donc encore le seul contrôle continu qui fera foi.

Tout entre donc dans le contrôle continu, on est dans le bac 100 % local avec toutes les pressions que cela engendre.

Les collègues de langues vont donc s’appuyer sur leurs évaluations pour délivrer cette pseudo attestation sans valeur ! Il s’agit bel et bien d’une attestation au rabais, effet cosmétique d’une réforme dont il ne reste presque plus rien.

Mais au-delà de l’effet cosmétique, cela pose un problème crucial : toute évaluation formative se trouve empêchée au profit d’une évaluation d’acquis, de type sommative, pour pouvoir délivrer la fameuse attestation.

Le SNCL rappelle que la liberté pédagogique existe encore et que les collègues peuvent s’opposer aux normes locales que certains voudraient leur imposer.

Quelle sera donc l’utilité réelle de ces attestations : quelle valeur auront-elles à l’université, dans les grandes écoles et face aux organismes privés qui en délivrent également ?

Dans ce contexte, il semble logique de se poser la question de la légitimité du Baccalauréat. Monument historique garant des valeurs républicaines tant mises à mal depuis quelques années, sera-t-il finalement sacrifié sur l’autel de la démagogie ?