Loi confortant le respect des principes républicains : le compte n'y est pas !

Le 30 mars, le Sénat examinera le projet de loi confortant le respect des principes républicains, adopté par l'Assemblée nationale. Le SNCL analyse son contenu au regard de ses 14 revendications pour la défense de la laïcité.

AVANT-PROPOS : en janvier dernier, le SNCL s'engageait une fois de plus pour la défense de la laïcité dans notre pays en publiant son analyse historique et une série de 14 revendications qu'il a soumises au Premier ministre et au Président de la République. 

C'est au seul regard de ces revendications, dans l'intérêt des fonctionnaires de l'Education nationale et dans une perspective uniquement professionnelle que nous analysons ci-après le projet de loi du gouvernement qui contient par ailleurs de nombreux autres points d'application, concernant notamment la pratique des cultes, les associations ou encore les délégations de service public. En tant que syndicat apolitique engagé dans la stricte défense des personnels, le SNCL ne préjuge pas de la pertinence de ces autres éléments qui sont en-dehors de son champ de préoccupation. 

Le Président de la République a le premier répondu au SNCL, suite à la publication de notre brochure. Il a été suivi peu après par le Premier ministre. Tous deux ont déclaré partager les préoccupations de notre syndicat et nous ont renvoyés au projet de loi visant à conforter le respect des principes républicains. Il nous appartient donc de voir, point par point, si ce projet est à la hauteur de l'enjeu et répond réellement à nos attentes. 

 

Loi principes républicains : 3 pas en avant pour le SNCL

 

En l'état du texte, après prise en compte de l'ensemble des amendements qui lui ont été apportés jusqu'à présent, le projet de loi contient trois avancées aux yeux du SNCL.

L'article 4, qui vient corriger l'article 4333-3 du code pénal, crée sans le nommer un délit d'entrave à la mission publique, englobant ainsi la mission d'enseignement. Ceci répond en partie à notre revendication n°2 "création d'un délit d'entrave à l'enseignement", même si nous regrettons que ce délit ne soit ni nommé, ni plus spécifiquement rattaché à la mission d'enseignement, ce qui aurait pour intérêt de faciliter l'identification et la condamnation de ce type de délit dans le futur.

L'article 18 modifie lui aussi le code pénal afin de faciliter les poursuites à l'encontre d'individus diffusant les informations personnelles d'un agent de l'Etat pour le mettre en danger. Il s'agit là d'un acquis pour les professeurs, dont le lien avec les conditions de la mise à mort de Samuel Paty est évident. Le SNCL regrette néanmoins sa rédaction extrêmement fermée et ciblée.

 

L'article 22, enfin, obligera désormais les établissements d'enseignement privé à une déclaration annuelle auprès des services de l'Etat des noms, coordonnées et compétences de toutes les personnes amenées à enseigner ou encadrer des élèves dans leurs structures. Ces données mises à jour régulièrement peuvent être un outil dans le contrôle des structures d'enseignement privé hors contrat. Le SNCL prend acte de ce point positif mais regrette que le deuxième alinéa de l'article (concernant la déclaration annuelle des comptabilités de ces établissements) ne soit pas lui aussi automatique. La rédaction actuelle du projet n'obligera en effet les structures privées à fournir le détail de leurs financements que si l'Etat le demande, ce qui pose la cruciale question du manque de moyens de contrôle. L'Etat doit se doter urgemment d'équipes formées et expertes afin de mettre en place une inspection systématique de tous les établissements en France, a minima tous les deux ans.

 

Le SNCL espère néanmoins que ces trois avancées ne seront pas amendées par les sénateurs en mars prochain et écrira prochainement à chacun d'eux afin, au contraire, de leur proposer des rédactions plus engagées dans le sens de nos revendications.

 

Ce qui fait cruellement défaut

 

Sans surprise, ce projet de loi ne saurait être à lui seul une réponse suffisante à l'urgence et à la gravité de la situation pour la laïcité dans nos établissements scolaires. De nombreuses revendications du SNCL auraient pu trouver place dans ce texte, mais n'y sont pas. Le Premier ministre et le Président de la République ne peuvent donc pas l'invoquer comme seule réponse donnée à notre demande.

Nous exigeons prioritairement :

 

La prise en compte de nos revendications n° 3, 4 et 5 : la loi doit intégrer la désignation de juristes comme interlocuteurs dédiés aux questions de laïcité dans toutes les administrations, tant centrales que rectorales, en contact avec un référent violence désigné au niveau départemental parmi les substituts du procureur de la République. Elle doit également arrêter le principe d'une réglementation cadre, que chaque ministère pourra ensuite décliner dans son propre Bulletin Officiel. Ces textes indiqueront aux agents la conduite à tenir en cas de délit d'entrave à l'enseignement, d'intimidations ou de menaces envers les fonctionnaires. Ils préciseront les poursuites judiciaires et les sanctions auxquelles s'exposent les contrevenants. Les règles ainsi connues de toutes et tous, et fixées en amont, éviteront de recourir à l’improvisation en réaction à la pression d’événements fortement médiatisés.

 

La prise en compte de notre revendication n°12 : le contrôle des structures d'enseignement privé doit être considérablement renforcé et l’Éducation nationale doit mettre en place un corps d’inspection dédié à cette mission, capable de visiter 100% des établissements au moins tous les deux ans, avec des moyens d’investigation poussés. La loi Gatel doit être appliquée, y compris par les maires qui ont un rôle à jouer dans ces contrôles. Les flux financiers des établissements doivent être rendus publics annuellement, et non seulement en cas de contrôle, et les structures de type ELCO (administrées sur le sol français mais par des pays étrangers) doivent toutes être soit reconverties en EILE (Enseignements Internationaux de Langues Etrangères), soit supprimées, dans les plus brefs délais.

 

Le SNCL présentera également ces revendications aux sénateurs avant le 30 mars prochain, date d'ouverture des débats sur le projet de loi au Sénat. Par ailleurs, nous continuerons à alerter notre ministère et à exiger de lui l'application des autres points de notre plan de défense de la laïcité : évolution de l'application "Faits établissement", responsabilisation des familles, co-enseignement de la laïcité et formation continue des enseignants, redéfinition du Conseil des sages de la Laïcité, renforcement de l'apprentissage du français pour les non-francophones, inscription de la satire dans tous les programmes scolaires, enquête indépendante sur l'assassinat de Samuel Paty.

 

Retrouvez toutes nos revendications pour la défense de notre laïcité ici : http://www.sncl.fr/1/upload/bulletin_horsserie_laicite.pdf